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Plume parisienne
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  • Chroniques d'une parisienne qui aime lire, un peu, beaucoup, partager, écrire aussi sur la vie, si possible dans ce qu'elle a de beau, de joyeux, de drôle, d'étonnant, de magique et parfois de douloureux aussi.
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11 décembre 2016

Réparer les vivants de Maylis de Kerangal

Comme parfois, ce n'est pas moi qui ai choisi le livre, mais le livre qui m'a choisi. A l'occasion de la visite de ma soeurette P., alors qu'elle revenait des Canaries, nous avons parlé bouquins et fais quelques échanges. Réparer les vivants s'est donc retrouvé entre mes mains. Elle m'a prévenue, tu verras cela remue, c'est dur. A ne pas mettre entre toutes les mains.

Il y a longtemps que je n'avais pas été prise par l'écriture, emportée par un style, enthousiasmée par une lecture. L'écriture est au cordeau, chaque mot pesé, mais la phrase reste légère, malgré le propos âpre et rude. Le don d'organes est un sujet qui ne s'aborde le plus souvent que dans l'extrême urgence, lorsque la famille doit s'extraire du chagrin pour prendre une décision forte, surtout pour les vivants qui restent. Surtout quand le silence sur le sujet exprime une volonté implicite. Toutes les questions sont abordées, le point de vue de la famille, du personnel hospitalier auprès du mort, de ceux qui sont dans l'attente. Ceux pour qui cette mort devrait signifier joie, mais qui reste chargée de questionnements et de culpabilité. 

"... elle donnerait tout ce qu'elle possède pour qu'on la rassure et qu'on lui mente, qu'on lui raconte une histoire avec suspense, certes mais happy end acidulé, elle est d'une lâcheté crasse mais tient ferme... " (page 62)

"- il faudrait un jour qu'elle sache dans quel sens s'écoule le temps, s'il est linéaire ou trace les cerceaux rapides d'un hula-hoops, s'il forme des boucles, s'enroule comme la nervure d'une coquille, s'il peut prendre la forme de ce tube qui replie la vague, aspire la mer et l'univers entier de son revers sombre, oui il faudrait qu'elle comprenne de quoi est fait le temps qui passe." (page 91)

"... se dépenser, Simon, ça comptait pour lui, il était physique, c'est ça, c'est comme ça qu'il était vivant dans son corps, c'est comme ça que je le vois, la nature dans la nature, il n'avait pas peur." (page 133)

"C'est un refus, cela arrive. Il faut savoir lui faire une place, la possibilité du refus est aussi la condition du don." (page 136)

"... sa peau [...] c'était sa lumière et son toucher, les capteurs vivants de son corps." (page 138)

"Il n'y a pas de donneur dans cette opération, personne n'a eu l'intention de faire un don, et de même il n'y a pas de donataire, puisqu'elle n'est pas en mesure de refuser l'organe, elle doit le recevoir si elle veut survivre..." (page 273)

Réparer les vivants
Maylis de Kerangal 
Folio, Gallimard (2015)

 

 

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